Une crise sanitaire mondiale brutale s'ajoute à la crise climatique durablement installée. Alors que les climatosceptiques, même s'ils ne sont plus audibles sur le fond gardent la maîtrise du frein pour différer les changements nécessaires, avec la majorité de la population mondiale confinée, la fulgurance de la pandémie du coronavirus ne laisse aucune prise à des "sanitosceptiques ". Et nous tous, terriens confinés, ne souhaitons qu'une chose, retrouver vite le temps d'avant, le temps normal. Mais ce temps d'avant était-il vraiment normal?
Il est probable, que le temps de demain redevenu "normal" sera cependant différent de celui d'hier, qu'il s'agisse de nos modèles de société ou de ceux du management de nos entreprises et de nos affaires.
En cette période propice à la réflexion, la question que nous nous posons tous est quand, comment et dans quelle direction allons-nous repartir?
Mais avant la fin de ce confinement et le tourbillon de la reprise de l'activité économique, il y a urgence à comprendre et apprendre le maximum de tout de ce qui nous arrive, de ce Covid-19.
Notre vieux monde occidental voit-il ce qui se passe en Asie? Avons-nous compris le rôle que doivent jouer les scientifiques dans la gouvernance du monde ? Face au réchauffement climatique, ce cancer qui ronge notre planète, ne faut-il mener une guerre totale comme nous le faisons face à cette attaque virale massive? Percevons-nous que demain, agilité et faculté d'adaptation collective seront plus importantes que volume des moyens financiers ou matériels? Ne faut-il pas investir davantage dans l'éducation et la véritable information pour ne pas laisser le champ libre à n'importe quoi sur les réseaux sociaux?
La séquence très spéciale que nous traversons invite aussi tous les managers et les acteurs de la vie économique à une réflexion sur leurs propres modèles de gouvernance et de leadership qu'ils soient patron de petite ou moyenne entreprise, dirigeant de grand groupe , directeur d'hôpital, d'agence commerciale, de grande surface, d'usine, de centre de maintenance. Le manager de demain peut-il rester le manager d'hier ?
Qui doit-il écouter, son Comité de Direction? Un collège scientifique? Les partenaires sociaux ? Ses employés ? La relocalisation est-elle juste une option ou est- elle devenue une condition de survie de son entreprise ? Quelle place donne-t-il à la sauvegarde de la planète, notre bien commun, dans ses choix stratégiques et dans sa politique d'investissement ? Comment se prépare-t-il à la prochaine crise ? Se préoccupe-t-il assez de la santé de ses employés et de leurs comportements solidaires ? Doit-il continuer d'investir dans plus de moyens pour remplacer des personnes ou dépenser davantage pour leur de formation, leur entraînement, les rendre hyper autonomes et efficients?
Que de questions ! Mais le temps presse et la situation va être compliquée et tendue dans une économie mondiale et locale de sortie de crise. Alors doit-il lancer un nouveau énième Plan de Transformation de son activité? Ceux qu'il a déjà lancés n'ont pas transformé grand-chose.
Est-ce à dire que le moment est venu pour lui de s'intéresser vraiment au Lean, ce système de management que Toyota a su bâtir pour sortir d'une crise la plus grave qu’ait connu le Japon, la 2ème Guerre Mondiale.
Le Lean: un modèle de management enthousiasmant et configuré au monde de demain.
A l'origine du Lean, le TPS, Toyota Production System, a été créé à la fin de la Seconde Guerre Mondiale par ses dirigeants de la famille Toyoda, largement épaulés par un génial et anticonformiste ingénieur, Taiichi Ōno. Dans un pays en ruine au sortir de la guerre, Toyota fait face à toutes sortes de pénuries, à un marché très fragmenté qui ne permet pas de grandes séries et à une très forte concurrence. Chaque ressource étant rare et précieuse, il en déduit logiquement la recherche de l'élimination de tout gaspillage, de l'utilisation optimale de ce dont on dispose et une attention exacerbée aux besoins des clients et au développement des employés. Ce système socio-technique intégré intensément mis au point entre 1948 et 1975 comprend sa stratégie, son modèle de développement, ses pratiques et il organise la fabrication, les services, la R&D, la logistique et les interactions avec les fournisseurs et les clients. Il est devenu mondialement connu sous le terme générique de Lean grâce au livre best-seller The Machine that Changed the World publié en 1991. Depuis lors et sur les principes fondateurs du TPS, Toyota, ses senseï et les multiples chercheurs qui s'y sont intéressés n'ont cessé d'améliorer le système pour aboutir aujourd'hui au Lean Management (ou Toyota Management System).
Nous allons gagner la guerre contre le Coronavirus, mais celle contre le réchauffement climatique, tout aussi impérieuse et au combien plus longue est devant nous. Et le Lean fait partie de notre arsenal pour mener cette nouvelle bataille. Il est configuré pour ça car bâti sur le principe originel que chaque ressource est rare et précieuse. C'est une machine de guerre contre les gaspillages. Mais comprenons bien qu'au sens du Lean un gaspillage est une imperfection telle qu'un retour ou une réclamation client, un défaut sur une pièce ou la défaillance d'un service, un accident, la démotivation d'un employé ou son manque de formation, un déplacement, un retravaillage, un geste inconfortable, un fournisseur fragilisé, un sur-investissement, une sur-consommation d'énergie,... Le Lean est une machine de guerre contre la colossale empreinte carbone de nos imperfections d’industriels.
Vous tous managers qui vous posez des questions sur l'après Coronavirus, profitez de votre confinement pour vous intéresser à ce système de management, sérieux, complet, intelligent et sophistiqué.
Allez-y, téléchargez et lisez un ou deux livres sur le sujet, allez sur YouTube, assistez à des webinaires,...
Vous y découvrirez cette stratégie globale qui vise à transformer les personnes au bénéfice des clients de l'entreprise et donc de l'entreprise elle-même...vous y verrez très vite que le Lean, c'est l'affaire du patron, de celui qui aux yeux des employés et des clients a tout pouvoir sur les choses. Rassurez-vous car tous les patrons déjà Lean sont absolument enthousiastes non seulement des résultats économiques obtenus mais aussi du sens donné à leur travail, de ce qui a complètement changé leur façon d'aborder et de voir les choses. Ils ne voudraient revenir en arrière sous aucun prétexte.
J'ai eu personnellement la chance de travailler dans une entreprise qui m'a donné carte blanche pour un voyage Lean dans lequel je me suis engagé à fond.
J'ai moi aussi été époustouflé par la transformation que cette technologie m'a permis d'opérer à la fois sur moi-même et sur l'ensemble des équipes des sites industriels que j'ai dirigés et par les résultats obtenus. Je n'ai qu'un regret : ne pas avoir démarré plus tôt.
Mais quels sont les obstacles à franchir pour réussir son voyage Lean?
Il peut être intéressant pour un manager de connaître à l'avance les principaux obstacles qu'il faudra bien franchir car, bien entendu, il n'est pas question de les contourner. Le Lean n'est pas qu'une affaire de bon sens ou une simple boîte à outils, c'est un système, une technologie de management.
Pour chercher réponse à cette question, je me suis plongé dans l'examen de ma propre évolution vers le Lean et des écueils que j'ai rencontrés et peu à peu franchis.
Dès le début de ma carrière, j'ai eu à faire du management opérationnel ou fonctionnel d’activités principalement industrielles. Jusqu'à ma rencontre avec le Lean, je portais beaucoup (trop) d'attention aux organisations, je me préoccupais (pas assez) des employés et je m'intéressais très peu aux produits et aux clients. Je peux dire sans trop de forfanterie que j'étais devenu un expert du modèle de management le plus répandu du monde occidental, le Command and Control. Mais mon métier de cadre dirigeant tel que je l'exerçais me donnait l'impression de passer à côté de quelque chose d'important. Je sentais bien que malgré mes efforts, mes équipes perdaient du temps, de l'énergie de la motivation à faire trop de choses inutiles aux clients et à l'entreprise. En 2006, à l'occasion d'une mission à l'étranger sur un site qui démarrait son parcours Lean , j'ai été "accroché". De retour en France, je me suis documenté, j'ai été séduit et je me suis lancé.
Je l'ai fait tout d'abord maladroitement en pensant que le Lean était uniquement une affaire de bon sens, puis sérieusement avec un sensei qui m'a emmené là où j'aurais toujours du passer le plus clair de mon temps , sur le gemba (terrain en japonais). En 12 ans de pratique résolue et enthousiaste du Lean, j'ai beaucoup appris, dé-s’apprit, trébuché, avancé. Aujourd'hui je suis en mesure de citer les principaux obstacles rencontrés dans un voyage Lean.
5 obstacles à franchir pour réussir son voyage Lean
J'insiste pour dire que ce qui suit est destiné à des personnes qui ont déjà fait le cheminement intellectuel de leur besoin de passer au Lean. J'ajoute que mon expérience est celle d'un cadre dirigeant dans une grande entreprise et que mon propos est naturellement à pondérer en fonction de la taille, de l'ancienneté et du type d'entreprise (start up, petite ou moyenne entreprise patrimoniale, groupe coté en bourse,....) Voilà en synthèse, issus de 12 ans de pratique résolue et assidue du Lean management, ce que je pense être les 5 principaux obstacles qu'un manger doit franchir pour réussir son passage au Lean.
- L'astreinte à la pratique du gemba walk.
- Le piège des idées fausses
- Le changement d'horloge
- L'ancrage du traditionnel management Command & Control
- La tentation du classique "Plan de Transformation" de l'entreprise
1 L'astreinte à la pratique du Gemba walk.
Le gemba est un mot japonais qui signifie « là où se trouve la réalité ». C'est l'endroit où la valeur ajoutée est créée et où apparaissent les problèmes, là où le client obtient sa satisfaction.
Ce terme est souvent utilisé en Lean pour dire terrain, atelier, ou poste de travail. Le terme connexe gemba walk désigne l'action d'aller voir le processus réel, de comprendre le travail, de se poser des questions et d'apprendre sur place.
Taiichi Ohno disait pour enfoncer le clou: ne regardez pas avec vos yeux, regardez avec vos pieds, ne pensez pas avec votre tête, pensez avec vos mains.
Quand, on est dirigeant, changer de système de management, c'est d'abord changer soi-même. Et comme les employés se développent en regardant leur patron, son leadership fera le reste. Changer la tête de ses collaborateurs, c'est d'abord changer la sienne. Et pour ça, il n'y pas d'autre façon que de partir à la découverte de son entreprise sur le terrain, aller à la source des problèmes. Car le gemba, c'est l'endroit qui change le regard du dirigeant, c'est le point de départ de ses réflexions. Il voit et il est vu.
Cette pratique est le socle du système Lean de l'entreprise, elle doit donc être sérieuse, méthodique et assidue. Ainsi un rituel de gemba wallk hebdomadaire d'une journée est ce qui semble convenir le mieux à un management veritablement Lean.
Et une journée, c'est 20% du temps. Il faut donc revoir ses priorités, supprimer des trucs, des meetings, les focaliser sur des sujets plus précis pour les raccourcir,…
Mais ne vous trompez pas, en management Lean, il n'y a pas de compromis avec cette exigence. Si ce n'est vraiment pas possible pour vous, laissez tomber le Lean.
2 Le piège des idées fausses
Les idées fausses sur le Lean sont pléthore.
"Le Lean ne s'applique qu'à la production". Faux, car le Lean s'applique aussi bien à la conception, aux services, à la distribution. Il s'agit chaque fois de faire les bonnes choses au bon moment et de bien les faire.
"Le Lean, c'est pas compliqué, c'est une affaire de bon sens". Faux, c'est sophistiqué et souvent contre-intuitif. Pas facile par exemple de comprendre que le but ultime du flux tiré est le développement des personnes.
"Le Lean est une boîte à outils et l'on peut choisir ceux qui nous conviennent le mieux". Faux c'est un système intégré fait de briques interdépendantes qui chacune consolide l'édifice.
"Les standards de travail limitent la motivation et la créativité des employés" Faux car une opération totalement maîtrisée et sécurisée devient réflexe et confort et permet de prêter attention aux problèmes et aux possibles améliorations.
"Les stocks protègent les clients". Encore faux. Le problème du manque de masques dans la crise du Coronavirus n'est pas causé par une quelconque pratique du Juste à Temps mais par le refus d'apprendre des crises précédentes.
Pour éviter tous les pièges, le plus simple est de considérer le Lean pour ce qu'il est, à savoir un système de management sérieux, complet, intelligent et sophistiqué. Cela permet d'aborder avec un grand respect ses 4 fondamentaux sans tentative de contournement ou de compromis à savoir :
- le flux tiré ( JIT, Kanban), le truc le plus génial et contre-intuitif.
- l'arrêt au 1er doute (JIDOKA) , la qualité et satisfaction client au centre du jeu.
- le Kaizen (ou autre PDCA, A3), le moteur du système d'éducation.
- Le management visuel, le cœur du confort cognitif
En résumé, pas de Lean sans Kanban, ni Andon, ni Kaizen, ni Management Visuel.
3 le changement d'horloge
Dans le management traditionnel l'unité principale du temps, le tempo instinctif du dirigeant, est l'année fiscale. Dans ce système, le budget est l'élément central qu'il convient de construire avec prudence pour ne pas décevoir. Bien sûr, il y a les projections stratégiques sur plusieurs années ou des actions sur quelques jours en réaction à des événements inattendus mais peu ou prou la pulsation managériale dominante est la suivante:
Fin d'année n-1, construction du budget année n (CA, prises de commandes, ventes, Ebitda, investissements, must win commerciaux, ...) et plan d'action pour tenir ce budget.
Année n, réalisation du plan d'action et comparaison régulière des résultats avec la "référence" budgétaire et corrections de trajectoire plus ou moins brutales en fonction des écarts.
Fin d’année n, on recommence et en tenant compte des options stratégiques, préparation du budget année n+1 et ainsi de suite.
Dans le management Lean, l'horloge est plus paradoxale puisque fondée sur le temps long de la vie d'une entreprise, dix, vingt, cinquante ans, et le temps court de la journée, entre le lever et le coucher du soleil, soit l'espace-temps où le cerveau humain est disposé pour bien faire les choses. En Lean, chaque journée de travail de chaque employé est un bien précieux qu'il convient de réussir du mieux possible. Et une journée réussie, c'est bien entendu de la bonne valeur ajoutée mise dans les produits ou les services mais aussi une bonne dose de développement personnel et d'amélioration. Et si chaque journée est pleinement réussie, alors l'année (par exemple 230 jours travaillés en France) sera la meilleure possible. Et si chaque année est la meilleure possible, alors au bout du temps long, dix ou vingt ans, l'entreprise sera la meilleure possible et devant ses concurrents qui ne sont pas Lean.
Le but principal du dirigeant Lean est donc de créer les conditions pour que chaque jour soit le meilleur possible pour chaque employé. Et qu'il ne s'inquiète pas pour l'acuité de sa vision stratégique, ou de la qualité de la préparation de son futur budget, ses gemba walk professionnels et assidus y veillent.
4 L'ancrage du traditionnel management Command & Control
Le modèle de management traditionnel et dominant dans les entreprise occidentales est le Command & Control. Le Comité de Direction définit décide, dirige et démêle les situations inattendues et il est soutenu par des procédures qu'il verrouille par des reportings et des audits. Tout comme le Lean, c'est un système très complet et très sérieux mais où tout est affaire de stratégie, d'organisation, et de plans d'actions décidés par un groupe restreint de personnes. Mais ce qui concerne le Lean, la clé de la réussite réside dans la réunion systématique et organisée de la créativité et de l'envie de tous les employés.
Il n'est pas possible d'ignorer que les deux modèles de management, Lean et Command & Control, sont aux antipodes.
Or le Command & Control est depuis des générations de managers totalement et profondément ancré dans notre culture, dans notre éducation, dans nos business school et dans la tête de tous les acteurs de nos entreprises. Au fil du temps, des fonctions centrales ont été peu à peu renforcées pour soutenir le système. Ainsi en est-il de l'Assurance Qualité et de ses audits de procédures (plutôt que de contrôler les produits), du système d'information et de ses workflows administratifs, des achats et de ses prefered lists. Prenons par exemple le Contrôle de Gestion, l'une des fonctions clé du système Command & Control.
Selon Wikipédia, "le contrôle de gestion (CDG) est une fonction qui vise à influencer les comportements des managers pour mettre en œuvre la stratégie de l'organisation."
Et comme passer au Lean c'est changer les têtes, il faut bien s'intéresser à cette fonction déterminante et influente car beaucoup de décisions sont prises à partir de ses synthèses et de ses analyses. Dans le modèle Command & Control, l'une des missions du CDG est le calcul des coûts de revient. Dans le modèle Lean, les coûts n’existent pas pour être calculés. Les coûts existent pour être réduits. Un passage au Lean impose donc pour les coûts de revient un changement de focus du contrôle de gestion. Moins centré sur la nature des coûts (salaires, achat de matière, et de frais, amortissements, loyers, ..) et beaucoup plus focalisé sur la cause première des coûts de revient à savoir la non-qualité, les imperfections (nombre d'accidents, plaintes et retours client, absentéisme, rebuts sur WIP & stocks, retravaillage, leadtime, taux d'utilisation des moyens,..)
Apprendre et passer au Lean, c'est donc être prêt à désapprendre sérieusement le Command & Control et abandonner bon nombre de ses certitudes et pratiques associées.
5 La tentation du classique « Plan de Transformation » de l'entreprise
Le réflexe atavique du management Command & Control face à une crise quelle qu'en soit l'origine est de s'auto-renforcer en faisant plus de Command & Control. Pour cela, il lui apparaît nécessaire de lancer un vaste plan d'action top-down plus musclé que les précédents qui n'ont rien donné. Pour donner l'illusion de l'adhésion du plus grand nombre à ce vaste programme, les cadres sont réunis en séminaires, leurs idées ou besoins sont notés sur des post-it, collés sur des paperboards et rassemblés par thèmes. Chaque thème fait l'objet d'un workpakage, un responsable du workpackage est ensuite désigné et le tout est inscrit dans un grand tableau d'avancement qui fait l'objet d'une présentation plus ou moins régulière en Comité de Direction. A la fin, rien ne change, sauf peut-être quelques investissements inutiles débloqués par la direction pour montrer qu'elle croit vraiment dans ce grand programme. Ce « Plan de Transformation » est voué à l'échec puisque est bâti sur le principe que le top management a réfléchit en conclave ou via une enquête rapide et qu'il sait quoi changer pour que ça marche. Les employés comprennent bien que l'actuelle façon de faire ne convient pas puisque la direction a décidé de la changer et qu'ils n'ont pas de rôle à jouer dans l'amélioration puisque le plan a été arrêté. Il devient donc urgent de ne rien tenter de nouveau et de créatif sur le terrain et qu'il vaut mieux attendre les résultats du plan de transformation en cours. Bref, sous couvert d'annonce de changements importants, l'entreprise s'installe en fait dans une posture de procrastination collective. C'est dommageable non seulement sur le court terme mais aussi sur le long terme car les mois ou années perdues à attendre la fin du plan en cours ne se rattrapent pas.
Alors que doit faire le dirigeant? C'est à la fois très simple et très dur, et pour cela il lui faut du courage. Tout d'abord il lui faut admettre qu'il va devoir changer lui-même en profondeur. Puis, convenir qu'il lui faut partir des choses telles qu'elles sont, ni bonnes, ni mauvaises, car c'est comme cela que l'entreprise fonctionne aujourd'hui. Enfin, faire confiance au Lean management tel que mis au point et peaufiné par Toyota et tous les Sensei du monde depuis des décennies, respecter l'ensemble du génial package qu'ils nous donnent, abandonner nombre de certitudes du management Command & Control et partir sur le gemba à la rencontre de la transformation, la vraie.
Le Lean pour les managers du monde d'après
Dans la crise sanitaire que nous traversons, les modèles que nous pensions intangibles sont remis en cause par un minuscule parasite, un virus. Le monde a tiré l'andon pour dire stop au Covid 19. Il nous a tous envoyé en confinement non seulement pour sauver nos vies mais aussi pour nous donner le temps de la prise de conscience et de l'introspection collective avant de repartir dans le monde d'après. Dans ce monde-là, nos modèles de société et de management se doivent d'être différents si nous voulons que le rythme et les effets dévastateurs des crises ne s'amplifient pas, qu'elles soient sanitaires, climatiques, économiques, migratoires, politiques ou militaires. Si les modèles de société sont à repenser, le monde de l'entreprise et de l'activité économique dispose de ce que l'une d'entre elle a su mettre au point à l'issue de l'avant dernière méga crise planétaire. Grâce à Toyota, et à tous les sensei du monde qui ont pensé et amélioré humblement et patiemment le Lean, nous disposons aujourd'hui technologie de management non seulement sophistiquée et éprouvée mais surtout parfaitement adaptée au monde de l'après Coronavirus. Difficile en effet de trouver mieux pour gérer des affaires profitables et des produits ou services utiles aux gens et dans le même temps gagner la guerre contre le cancer du réchauffement climatique. Le Lean ça fonctionne, c'est concret, la rentabilité est au rendez-vous, les clients sont contents, les employés sont protégés et mis en valeur, les fournisseurs sont associés avec respect et la planète est moins maltraitée. Il faut simplement un peu d'humilité pour accepter qu'un modèle inventé par d'autres est meilleur que celui que l'on a à l’esprit, qu'il ne s'agit pas de transformer l'entreprise mais de changer les têtes, sa tête. Il faut se lancer et partir sur le gemba et courageusement franchir, et non pas contourner, chaque obstacle. Et le courage, c'est ce que nous montre de la crise actuelle, nous nous n'en manquons pas. Un dernier conseil: il n'est pas inutile d'être aidé par un senseï.
Norbert Dubost