De la production de masse à l’artisanat à grande échelle : vers une performance humaine et durable
La performance organisationnelle ne peut plus se limiter à des critères de productivité et de standardisation.
L’articulation entre le lean et l’ergonomie ouvre la voie à une conception renouvelée de la performance, centrée sur le développement des personnes. En s’inspirant de la notion d’artisanat à grande échelle défendue par Michael Ballé [ici] et l’Institut Lean France, il apparaît que la valorisation des savoir-faire locaux constitue un levier stratégique pour atteindre une excellence durable, loin du nivellement des compétences.
La performance industrielle s’est historiquement construite sur les principes de l’industrialisation de masse. Cette approche, bien que performante à court terme, montre aujourd’hui ses limites dans un monde complexe et incertain. Le lean, dans sa version originelle issue du Toyota Production System, propose une alternative centrée sur l’apprentissage, la résolution de problèmes et le respect des personnes.
Dans cette perspective, l’ergonomie apporte une contribution essentielle en mettant en lumière les savoir-faire réels et les ajustements opératoires que les opérateurs mobilisent pour faire face à la variabilité du travail.
Ensemble, lean et ergonomie permettent de repenser la performance comme un processus humain, apprenant et durable.
Le lean est souvent réduit à tort à une méthode de réduction des coûts. Pourtant, dans sa philosophie profonde, il s’agit d’un système de développement des personnes à travers la résolution de problèmes sur le terrain (genba).
L’ergonomie, quant à elle, vise à concevoir des situations de travail soutenables, en s’appuyant sur l’analyse de l’activité réelle.
L’articulation des deux disciplines en une alliance stratégique permet :
- d’identifier les gaspillages non pas seulement matériels, mais aussi cognitifs et organisationnels ;
- de valoriser les compétences développées dans l’action ;
- de co-concevoir des améliorations avec les opérateurs eux-mêmes.
Cette approche intégrée favorise une performance globale, qui prend en compte à la fois les résultats économiques et la santé au travail.
Michael Ballé propose de passer d’une logique de production de masse à celle d’un artisanat de masse, où chaque opérateur est reconnu comme un expert de son poste. Cette vision repose sur :
- la maîtrise locale des processus ;
- l’apprentissage par la pratique (learning by doing) ;
- la transmission des savoirs au sein des collectifs de travail.
Contrairement à une vision taylorienne du travail, cette approche valorise la polycompétence ciblée, où chacun développe une expertise approfondie sur un périmètre défini, plutôt qu’une polyvalence généralisée et superficielle.
Une véritable voie express vers l’excellence qui casse le mythe du “tout le monde doit tout savoir faire”
La recherche d’une polyvalence totale peut sembler séduisante pour des raisons de flexibilité, mais elle comporte plusieurs risques :
- perte de sens pour les salariés, qui ne voient plus la valeur de leur expertise ;
- diminution de la qualité du travail, liée à une moindre maîtrise ;
- affaiblissement des collectifs, par dilution des rôles et responsabilités.
L’excellence ne se construit pas dans l’uniformité, mais dans la reconnaissance des singularités et la valorisation des expertises. Le lean et l’ergonomie permettent de construire des parcours de développement individualisés, adaptés aux talents et aux aspirations de chacun.
La performance durable repose sur une vision humaniste du travail, où les personnes sont au cœur du système. En valorisant les savoir-faire, en développant les compétences et en créant des environnements de travail apprenants, les organisations peuvent faire du développement des personnes un levier stratégique de leur transformation.
L’artisanat à grande échelle n’est pas un retour en arrière, mais une réinvention du travail, où l’excellence est collective, construite par et pour les personnes.
Nathalie Bouyat
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