
Deux mouvements se conjuguent aujourd’hui dans les entreprises. Le premier est un renforcement de la financiarisation de l’économie, qui se traduit par une recherche de ROI sur un temps toujours plus court, favorisant les démarches à court terme au détriment d’une vision pérenne. Le second est le retour à un style de management radical, voire brutal.
Ces deux mouvements ont des conséquences similaires.
Le dirigeant qui vise des résultats économiques à court terme fait un choix : celui des actionnaires avant les clients. Mais ce choix porte un risque majeur : plutôt que d’améliorer les ventes en améliorant les produits, on sélectionne les activités rentables à l’instant T, au détriment des autres, détruisant petit à petit la valeur créée pour les clients. Il s’agit avant tout d’exploiter (les collaborateurs, les fournisseurs, les ressources) pour garantir le résultat immédiat. Penser ROI court terme amène aussi à investir sur des solutions (digital, IA…) qui accroissent immédiatement la productivité, mais le plus souvent diminuent drastiquement la faculté d’apprentissage de l’entreprise, et donc sa faculté d’adaptation. La solution parfaite du jour sera très vite le problème du lendemain, si l’on n’apprend pas en même temps la flexibilité et l’agilité demandée par un contexte en constante évolution.
Faire le choix du ROI immédiat, c’est ensuite amoindrir la capacité d’innovation de l’entreprise. Innover, c’est utiliser la connaissance profonde des clients et des technologies pour orienter l’évolution des produits dans la bonne direction. C’est aussi utiliser les divergences intrinsèques à toute entreprise, les points de vue différents des uns et des autres, pour apprendre à communiquer, négocier et imaginer ensemble des chemins de progrès. La pensée unique portée par un profil dominant a peu de chances de produire des idées nouvelles, en particulier dans un contexte en pleine évolution.
Faire le choix du ROI immédiat, c’est enfin accroître le sentiment que les entreprises, focalisées sur la productivité tayloriste et les gains à court terme, ne sont plus des acteurs responsables de la société. C’est ainsi que se renforce progressivement une forme de fracture entre les entreprises et les citoyens.
Ces deux mouvements ont un point commun : la négation du capital humain. Pourtant, développer le capital humain, c’est donner un formidable effet de levier aux autres outils de la productivité, pour offrir une rentabilité plus pérenne. La meilleure organisation, les meilleurs processus ne serviront à rien s’ils ne sont pas complétés par la faculté d’adaptation. Les meilleurs investissements devront être sans cesse renouvelés si les conditions de leur durabilité ne sont pas réunies.
Regardez ce qui se passe dans votre entreprise au quotidien. Les problèmes ne sont pas une exception, ils sont la règle. Vous le voyez bien : « les choses ne se passent jamais comme prévu », contrairement au fantasme des adeptes des procédures.
Développer le capital humain, c’est renforcer la conscience individuelle des problèmes et l’envie de les surmonter. C’est créer les conditions qui amènent les équipes à trouver les solutions ingénieuses qui permettent de tenir chaque promesse faite aux clients, malgré les aléas, pour renforcer leur confiance et leur fidélité dans la durée.
Développer le capital humain, c’est faire fructifier l’intelligence collective pour faire évoluer les produits et toujours rester la solution de confiance pour les clients, surtout dans des périodes de transformation rapide comme celle que nous traversons.
Le Lean est la seule approche qui commence par le développement du capital humain - une méthode éprouvée, largement documentée et profondément moderne. À nous de le promouvoir !
Cécile Roche
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