
Nous sommes mardi matin et après une belle semaine de congés, je suis impatient de retrouver X, le coordinateur indus. de l’un des projets dont j’ai la charge. Cela fait déjà plusieurs semaines que l’on doit réaliser des modifications sur la ligne de prod. pour accueillir cette nouvelle production.
Moi : « Bonjour X, comment vas-tu aujourd’hui ? Tous s’est-il bien passé la semaine dernière ? As-tu pu installer les modifications sur la ligne ? »
Lui : « Ça va super, merci » Moi : chouette, on a enfin fait le job après toutes ces semaines d’attente.
Lui : « Mais bon, on a eu un problème sur le banc de test. Au moment de récupérer la pièce A pour la modifier, c’était en fait impossible. Son diamètre n’était pas le même que sur le plan et donc on a tout remonté comme avant. On a décidé de revoir complètement le montage. Et puis pour la seconde intervention sur la machine de découpe, et bien figure-toi que là aussi, les nouvelles pièces ne s’adaptent pas… ». Mon visage s’assombrit, j’ai du mal à accueillir à bras ouvert ces nouvelles « bad news », je viens de consommer une partie l’énergie accumulée durant ma belle semaine.
Moi : « Mais comment cela est-il possible ? Raconte-moi ? »
Lui : « Eh bien, les plans du BE n’étaient pas à jour. Il a dû y avoir des modifications par la maintenance ou les méthodes et ils ne l’ont pas dit au BE, donc voilà, il faut relancer des pièces, c’est toujours la même chose, rien n’est à jour, si seulement tout le monde … ».
Mais pourquoi donc, après tant de semaines à préparer ces interventions, n’a-t-on pas réussi à faire « bon du 1er coup ». Pourquoi est-on tombé dans le piège, celui qui va nous faire faire une retouche, qui va nous faire perdre du temps (de la motivation, de la dynamique) et in fine qui va nous coûter plus cher ?
Aurions-nous quelques silos hermétiques au teamwork ?
C’est vrai, « faire bon du 1er coup », quelle évidence !!
Personne ne commet volontairement des erreurs pour ensuite devoir refaire le travail. Et pourtant, quelle est notre véritable performance à faire « bon du 1er coup » ?
A-t-on vraiment conscience de ces petites erreurs que nous faisons quotidiennement et qui vont nécessiter une retouche ?
- Un second « erratum » pour corriger un élément ;
- Un mail envoyé sans PJ ;
- Un plan sur lequel une cote est manquante, …
Au-delà de la perte de temps aisément visible, toutes ces erreurs peuvent être source d’énervements entre collègues, ce qui va nuire aux relations et au teamwork. Mais bon sang, pourquoi se prend-on les pieds dans le tapis régulièrement ?
Il y a assurément beaucoup de causes probables. Toutes ces situations, je les ai rencontrées et très honnêtement, c’est vraiment marrant de voir à quel point mon taux de « bon du 1er coup » est faible !!
Développer son sens du « bon du 1er coup » est un véritable exercice personnel où le nombre de situations dans une journée ne manque pas. Cette mise en éveil est aisée.
Mais que faire ensuite, une fois que l’on a détecté une situation qui ne s’est pas passée comme prévu ?
- Se dit-on : "ce n’est pas si grave que cela" …
- "Mince, je n’ai pas fait attention, la prochaine fois" …
- Où prend-on le temps de réfléchir et d’améliorer notre standard ?
Avoir un standard d’auto-contrôle, clarifier un point « douteux » avant avec un collègue plus expert sont des contremesures que j’ai pu tester et adopter. Cela ouvre plein d’opportunités de Kaizen, car le Kaizen est d’avant tout de se changer soi-même (Jun Nakamuro). Le standard du « doigt pointé », la matrice d’auto-contrôle, la check-list sont des exemples de ce que l’on peut mettre en œuvre pour améliorer son « bon du 1er coup ».
Avoir une exigence de « bon du premier coup » est louable, mais attention à conserver de l’espace pour accueillir ces erreurs en continuant de pratiquer le « bad news first ».
Ce qui me semble important c’est de se rappeler qu’il faut être dur avec les situations, les process et soft avec les personnes. Sinon adieu la confiance, adieu les opportunités de progrès, adieu la correction de nos misconceptions, celles qui grèvent le coût total de nos produits / services.
La situation décrite au début de cet article est un véritable apprentissage pour moi. Comment ne pas tomber dans le micro-management ? Comment ne pas faire de compromis entre le développement d’une personne / équipe et le fait qu’elle puisse tenir ses engagements vis-à-vis du projet, du client ?
Il n’y a pas de méthode unique, mais ce dont je suis sûr, c’est que je vais continuer de travailler à éveiller chaque personne de l’équipe à cette pensée, à cette pratique du « bon du premier coup ». Et je suis sûr qu’ainsi, je pourrai profiter longtemps de ma réserve d’énergie.
Arnaud Nuret
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